Raymond de Banyuls, vicomte de Montferré

Raymond de Banyuls de Montferré 1890-1915

Il naît le 7 septembre 1890 au Château de Faymoreau en Vendée, dans la famille de sa mère.

Il s'engage au 20° régiment d'artillerie, puis est envoyé au 6° chasseurs d'Afrique.

Il est tué le 23 novembre 1915 à Celles-sur-Plaine (88).

Mort pour la France, à l'âge de 25 ans.

Croix de guerre, Médaille du Maroc, Médaille militaire.


Extrait du livre d’Or du collège Saint-Joseph de Poitiers:
Maréchal des Logis Raymond de Montferré.
Du 3e chasseurs d’Afrique
Décoré de la Médaille militaire
Décoré de la Croix de guerre
Tué à C… (Vosges) le 23 novembre 1915
Raymond de Banyuls de Montferré, né à Faymoreau (Vendée) le 7 octobre 1890, fut élève du Collège Saint-Joseph pendant l’année scolaire 1907-1908. Il s’était engagé à 19 ans au 20e régiment d’artillerie à Poitiers, d’où peu après il était versé au 49e lors de sa formation. Mais la vie de garnison ne suffisait pas à son activité et ne répondait pas à l’idée qu’il s’était faite du patriotisme ;il avait adressé une demande pour le Maroc.
Les démarches n’ayant pu aboutir, il rendait ses galons de sous-officier, à la fin de son premier congé, et contractait un nouvel engagement au 6e chasseurs d’Afrique à Mascara, où il arrivait en novembre 1912. Volontaire pour le Maroc, il était dirigé le 8 mars 1913 sur Oudjda et affecté au 2e escadron du 2e chasseurs d’Afrique avec lequel il fit toute la campagne du Maroc oriental.
Entré à Taza le 10 mai 1914 avec la colonne du général Baumgarten, il y était nommé sous-officier et, quelques jours après, au combat d’El-Hadda, sa belle conduite lui valait d’être proposé pour une citation.
Rentré en France avec son régiment en novembre 1914, il était cité à l’ordre du jour de la brigade le 26 avril 1915, et en juillet proposé pour le grade de sous-lieutenant.
Le 23 novembre 1915 il tombait glorieusement à la tête d’une reconnaissance qu’il avait demandé à conduire lui-même et qu’il avait su amener au point précis qu’il devait reconnaître, à quelques mètres d’un poste allemand.
Ayant découvert au milieu d’une forêt de sapins, sur le sommet d’un piton, un blockhauss ennemi, il venait d’envoyer l’homme de liaison qui l’accompagnait en rendre compte à son capitaine et lui demander l’autorisation de se porter plus avant afin de pouvoir rapporter des renseignements plus précis, quand une balle boche partie du sommet l’atteignit en plein cœur.
Il a donné son sang pour la France, écrit son lieutenant, dans un geste splendide, s’accrochant aux rochers en marchant à l’ennemi, le sourire aux lèvres, heureux de vivre au milieu du danger et des difficultés.
Son corps arraché aux Allemands par les hommes de sa patrouille qui, au péril de leur vie, étaient allé le chercher sous les balles, repose au pied du clocher d’une petite église des Vosges.
Son capitaine qui, pendant trois ans de guerre, avait su l’apprécier, a, en termes qui ont ému l’assistance, retracé sur sa tombe sa trop brève carrière, et quelques jours après écrivant à son père pour lui donner des détails sur le douloureux épisode qui le plongeait dans le deuil, il lui disait :
Votre fils est tombé en héros atteint d’une balle en pleine poitrine… Fin digne de sa vie. Il était le vrai type d’homme de cœur et de l’homme de guerre, de l’homme de guerre à la mode de France : gai, vibrant, charmant… Soyez fier de votre fils, Monsieur, il était digne des leçons puisées dans son éducation, des traditions et des exemples de sa famille et de sa race. Aussi suis-je bien convaincu qu’il a déjà reçu de Dieu la récompense qu’il méritait.
Son lieutenant écrivait à son frère cadet, maréchal des logis au 13e régiment d’artillerie :
J’avais la plus entière confiance dans Montferré qui était l’homme sérieux et sûr par excellence. Nous avions fait souvent diverses reconnaissances ensemble. C’est au danger que l’on connaît vraiment l’homme, et je puis vous certifier qu’il ne soupçonait pas ce que pouvait être la peur ou la défaillance.
Il avait beaucoup de cran et j’étais sûr de lui ; quoi de plus beau pour un chef ; avec de tels subordonnés on écrase toutes les difficultés.
A ces lettres de ses chefs qui nous montrent le brave qu’était Raymond de Montferré, nous ajouterons quelques passages de ses lettres à ses parents qui donnent une idée de sa foi ardente et de ses sentiments chrétiens.
Du 31 OCTOBRE.- Demain, jour de la Toussaint, je vais faire tout mon possible pour assister à la messe, et je puis vous assurer que mes prières vont monter ferventes vers le ciel, prières d’abord pour le salut de notre beau pays, prières ensuite pour tous ces braves tombés au champ d’honneur et en particulier pour tous ceux qui reposent autour de mon cantonnement et dont je vais soigneusement faire arranger les tombes.
Du 3 NOVEMBRE.- Dimanche, lundi et mardi, j’ai pu, Dieu merci, aller à la messe. J’ai communié lundi et mardi. J’ai bien prié pour tous ces braves tombés au champ d’honneur et en particulier pour mon oncle et mon cousin.
Une belle citation à l’ordre de l’armée a consacré la mémoire de Raymond de Montferré :
Le 3 novembre 1915, s’est offert spontanément pour constituer, le jour, la pointe d’une reconnaissance des lignes allemandes en terrain très difficile et a fait preuve de la plus belle énergie en abordant devant un poste ennemi occupé, le réseau de fils de fer où il est tombé mortellement atteint.
En vertu de cette citation, et par application des décrets des 1er octobre et 1er décembre 1918 et de la décision ministérielle du 30 avril 1919, Raymond de Montferré est, de plein droit, décoré de la Médaille militaire.


Discours prononcé le 25 novembre 1915 sur la tombe de Raymond de Montferré par le capitaine Chevallier, commandant son escadron :
C’est un devoir profondément douloureux qui m’incline ce matin sur cette tombe, car le maréchal des logis de Montferré n’était pas seulement pour moi un des meilleurs sinon le meilleur des sous-officiers de mon escadron, mais encore, depuis trois ans que nous vivions côte à côte, réellement un camarade.
Je ne retracerai pas devant vous sa trop brève carrière, mais je voudrais essayer de faire revivre quelques-unes de ses rares qualités.
D’une famille de preux qui, à travers les siècles, et durant cette guerre encore, n’a jamais ménagé son sang pour la gloire ou la défense de la patrie, ces qualités étaient celles qui font l’homme de cœur aussi bien que l’homme de guerre.
Homme de guerre, il l’était dans tout ce que la noble acception de ce mot comporte de belle crânerie, de sentiment du devoir, de dévouement, d’esprit, de sacrifice et d’abnégation.
Sous-officier de premier ordre, il avait l’âme d’un chef, et était digne de l’épaulette. D’un moral élevé, d’une bravoure alerte et entraînante, il avait acquis sur ses hommes le plus heureux ascendant qui avait créé entre eux et lui une affection réciproque dont ceux qui m’entourent ici lui apportent le touchant témoignage.
Depuis trois ans que je l’avais sous mes ordres, trois ans de guerre, tant au Maroc qu’en France, il semble que j’aie vu croître chaque jour, si possible, ses qualités personnelles aussi bien que militaires – la guerre actuelle, la guerre sacrée, l’avait encore, si je puis dire, élevé au-dessus de lui-même, et la « Croix de guerre » épinglée sur sa tunique est là pour l’attester.
Mais ce n’était pas encore assez pour lui, et un incident tout récent m’a permis de juger ce qu’il valait, ainsi que la noblesse de ses sentiments. Il y a quelques jours, il me transmettait une demande de passage dans l’infanterie, et comme je lui exprimais mon regret de le perdre, il me dit : « Mon capitaine, plusieurs membres de ma famille, mon oncle, mes cousins, ont été tués dans l’infanterie depuis le début de la guerre, il me semble que je ne sois pas digne d’eux. »
Il devait prover lui-même qu’un cavalier, lui aussi, sait mourir, et mourir gaiement, à la française. Car devant la grande cause que nous servons, il ne saurait y avoir de distinction d’armes, et toutes, quelles qu’elles soient, peuvent être justement fières des sacrifices qu’elles offrent, chaque jour, pour le triomphe final.
Réellement friand du danger, de Montferré ambitionnait comme une faveur les missions souvent les plus périlleuses. – Hier encore, il avait sollicité de faire partie d’une reconnaissance d’un poste ennemi, solidement défendu, demandant même à marcher le premier, en pointe, comme pour offrir le premier sa poitrine aux coups de l’ennemi ; aussi est-il mort comme il devait mourir, de la plus belle des morts : une balle en plein cœur.
Soyez heureux, mon cher ami, votre arme, qui vous aimait, n’a pas voulu vous perdre et a tenu à vous donner elle-même la récompense que vous ambitionniez par-dessus tout – car j’ose dire que vous êtes tombé réellement en cavalier et en chasseur d’Afrique, en faisant acte de cavalier, en reconnaissance, en terrain libre, en plein jour.
Rassurez-vous donc, vous avez pleinement satisfait au tenete traditiones des anciens, vous êtes dignes des vôtres, et eux peuvent être fiers de vous. Que ce sentiment soit une consolation pour ceux des vôtres qui vous pleurent, pour vos parents que je prie de vouloir agréer dans leur glorieuse épreuve, ma respectueuse sympathie. Quant à ceux qui vous attendent au séjour des braves, allez les rejoindre et recevoir des mains même de Dieu la récompense suprême à votre sacrifice, ainsi qu’à la dignité de votre vie. Que saint Georges, enfin, patron des cavaliers, vous accueille en son escadron sacré.
Quant à votre escadron de la terre, votre nom restera à jamais inscrit à son livre d’or, et votre noble exemple nous guidera longtemps. Pour moi, j’aurai toujours présent au cœur le souvenir de votre dernier regard…
Au nom de tous ceux qui vous aimaient, vos officiers, vos camarades, vos hommes, je vous dis adieu – dormez en paix.
CHEVALLIER

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